Page:Gauvreau - Au bord du Saint-Laurent, 1923.djvu/27

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dans une attitude superbe, l’ennemi qui sur le coteau d’en face, s’apprête à livrer un assaut meurtrier. Ils ne tardent pas en effet à s’avancer le long du rivage, jusqu’en face de l’embouchure de la baie et de là, gagner à pas lents, l’arc tendu, prêts à tirer, le chemin moitié sable et vase, qui conduit, à mer basse, vers l’ilet, refuge des pauvres Maléchites. Ces derniers les attendent de pieds fermes, car il s’agit pour eux de défendre leurs femmes et leurs enfants ainsi que leur propre vie.

Les Iroquois le sentent bien, et ne s’avancent que lentement ; à portée d’arc, les flèches commencent à pleuvoir, se croisant dans l’espace qui sépare les combattants. Aussitôt s’élèvent des cris de rage et de douleur, on entend des râles d’agonie et des spasmes de blessés mourant ; cependant les Iroquois, sentant qu’ils vont avoir à lutter contre la mer qui monte et va les encercler, jettent leurs flèches et brandissent leurs tomahawks. Ce fut une mêlée atroce, horrible, indescriptible. Des membres pendent, détachés des corps ; les crânes se brisent, des os se fracturent sous les coups répétés de l’arme primitive des sauvages, et toutes ces blessures et ces corps pantelants, sont horribles à voir ; cependant les Iroquois sont obligés de retraiter et traînant les blessés et laissant aux flots qui montent ceux des leurs qui ont perdu la vie dans le combat.

Les Iroquois, retirés sur la plage, méditent de nouveaux assauts ; les Micmacs profitent alors de ce moment de répit pour se retrancher derrière quelques palissades faites à la hâte, de perches, de petits sapins, de corps d’arbres accrochés au flanc aride de l’ilet, n’employant à ce travail que le monde disponible.

Aussi réussissent-ils à protéger encore jusqu’à ce que le secours, un secours inespéré, puisse leur venir en aide à temps.

L’Iroquois a vu s’élever ce travail effectif : il a souri, il a cligné de l’œil, il a pesé ses nouvelles chances d’arriver à son but : exterminer sûrement ce groupe de héros antiques. En effet, dès l’attaque suivante, les Iroquois allument d’énormes flambeaux d’écorce et, en bandes serrées, malgré les flèches parties de la caverne et du haut de la palissade, ils s’avancent au pied des retranchements et mettent le feu à cet ouvrage en bois sec, résineux et enflammable et dans un instant, l’incendie dévore l’œuvre de défense élevé au prix de tant de misères. Les