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d’une vie qui s’échappe à tout instant et à qui le médecin disait : Ça finira avec l’hiver ?

Et devant ces pâles victimes solitaires, devant ces corps émaciés, et ces âmes alanguies et épeurées, qui aurait pu s’empêcher de crier : Anathème ! hiver qui sèmes la désolation partout et qui amènes aux foyers des pauvres et des nécessiteux, les frayeurs et les affres qui font que l’on meurt lentement, dans une agonie qui semble n’avoir jamais de lendemain.

Et je vis des enfants tout roses qui jouaient dans la neige nouvelle et froide ; je les ai vus joyeux, sautant et gambadant avec de grands éclats de rire. Les yeux étaient ravis, les mains ne cessaient point de remuer tous ces reflets multiples qu’est la neige par un soleil de froid hiver, et devant cette vie toute naïve et franche, devant ces fronts joyeux, ces mains avides et ces joues roses de santé, j’ai senti mes tristes pensées s’évanouir, comme fondrait la cire à la chaleur d’un bon feu, et m’écriai, ravi : Sois bénie, ô neige, qui apportes la joie, la santé, la vigueur et la robustesse à nos enfants.

***

J’écoute, dans la nuit, sonner l’airain du vieux clocher paroissial ; sous les pas des piétons, la neige crie stridente, et des voitures à la file s’avancent vers le temple illuminé. L’encens y pénètre tous les coins, la lumière se joue sur les manteaux soyeux et perlés des rois mages ; l’or des autels, les rubis de l’ostensoir, les pâles reflets des calices d’argent et des candélabre à longues branches, tout cela rayonne et se meut dans une atmosphère de paix, de recueillement et de sainteté que seuls les joyeux Noëls et les chants de bergers troublent de leur harmonie délicieusement divine.

J’entends des voix enfantines qui se disent : dormons bien ; le petit Jésus, va venir, il ne vient pas quand les petits enfants ne dorment point.

Et les plus grands et les plus graves, s’avancent vers la Table Sainte, en priant dans leur cœur : Heureuse naissance, qui fut le salut du monde !

Et moi, subissant, par rayonnement des intelligences et des cœurs, la joie des petits et des grands, je m’écriai : Sois béni,