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Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/106

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— Tu as souffert, mon George ? Et moi, crois-tu que j’aie été indifférente à cette absence ? J’ai eu mes faiblesses et mes défaillances.

— Pauvre enfant, c’était notre pain quotidien que cette souffrance de la séparation. Combien de fois n’ai-je pas pleuré au souvenir de la patrie absente, au souvenir de mon pays dont le ciel abritait ce que j’avais de plus cher, au monde, toi surtout à qui j’ai voué un culte.

— Mon George, parle encore. Oh ! si tu savais comme tes paroles me font du bien. Oui, parle encore, ta voix me réjouit comme un rayon de soleil après un jour de tempête. Privée depuis longtemps de ta chère présence, livrée sans armes aux exigences de ce cœur plein de toi même, sans courage contre une absence qui menaçait de ne plus finir, mes jours étaient sombres comme les derniers instants du moribond ; aujourd’hui que tu m’es rendu, à cette heure trop heureuse qui me retrouve à tes côtés, j’oublie que j’ai souffert pour toi en t’aimant, et toute entière au bonheur de te revoir, je me sens si heureuse que je voudrais mourir là sur ton cœur, tant ma joie est grande et me fait penser au ciel. Quoique l’heure soit avancée, je veux que tu voies mon père et ma mère, aussi désireux que moi de ton arrivée. Oh ! ils ont bien souvent pleuré ton absence, en voyant combien elle m’était pénible. Viens ! et la main dans la main ils prirent le chemin de la maison.

Un affreux hibou, effrayé par leur passage, jeta son cri strident et le bruit de ses ailes disparut sous la feuillée. Alexandrie effrayée se serra contre George.

— Que peux-tu craindre, quand je suis là.