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tout près du balustre qui sépare la nef du sanctuaire, le prêtre en surplis et l’étole au cou, récite tout haut des paroles liturgiques ; quelques rares spectateurs entourent une petite tombe couverte de mousseline blanche. Encore une fleur arrachée au parterre de la vie pour aller orner, le jardin des cieux.

La pauvre folle, s’avance lentement et écartant les assistants, elle jette un regard égaré, sur ce petit tombeau qu’on va bientôt porter en terre sainte. Le prêtre a reconnu Alexandrine et il a eu le pressentiment d’une scène. En effet, comme le bedeau allait s’emparer de la tombe, un cri déchirant s’échappa de la poitrine de la folle qui se rua sur le cercueil en criant : Laissez-moi mon enfant, laissez-moi mon enfant ! et ses lèvres bleuies s’imprimaient sur la toile blanche recouvrant le petit cercueil. Ce fut une scène indescriptible. Laissez la faire, murmura le prêtre ; elle reviendra de son erreur.

En effet, Alexandrine se levait ; non ce n’est pas mon Armande, car mon cœur ne s’est pas réchauffé, lui qui a froid, privé de sa vie, et de son amour, mon Armande. Pourquoi me l’ont-ils enlevée, les sans cœur. Ne savaient-ils pas qu’un enfant est une partie de la mère, et qu’en me ravissant mon Armande ils me laissaient, sans vie, brisaient mon pauvre cœur meurtri ?

Il y eut des sanglots et des larmes parmi les quelques assistants. Comment voir cette pauvre mère, cette « Mater dolorosa, » demander à grands cris son enfant, sans se sentir ému jusqu’à l’âme ?

La pauvre mère s’était tue et, à genoux elle laissa la procession défiler vers la porte latérale de l’église. Quand le dernier assistant eut franchi le seuil de la porte, quand le calme, un instant troublé, fut revenu