Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/212

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veut battre à tout prix, ces Anglais, ces habits rouges qui dominent et courbent le front de nos compatriotes sous le joug de leur tyrannie infâme. St-Denis venait de repousser le colonel Gore avec ses cinq compagnies régulières et une pièce de campagne ; on commença à comprendre ce que valaient les Canadiens décidés à la guerre, animés d’un sentiment intime et fort : la liberté. Oh ! le sang français n’avait pas dégénéré, et les braves de St-Denis descendaient des preux qui dorment au champ de bataille des plaines d’Abraham et de Ste-Foye. Les Canadiens croyaient leur cause juste et sainte, et c’est ce qui leur fit faire des prodiges de valeur comme ils en avaient fait à Châteauguay en 1812. C’est après cette bataille que Papineau déserta le champ de bataille en s’enfuyant aux États Unis.

Regagnons les insurgés de St-Charles, petite paroisse en haut de Montréal. Près de barricades naturelles mises en face de l’ennemi, deux hommes parlent avec animation : deux sentinelles, sans doute. Disons de suite que Mélas est du nombre, il est venu offrir son bras et sa vie aux insurgés, pour la défense d’une cause qu’il croit juste et bonne : la cause de l’indépendance du pays. Sa figure n’a pas cette sombre rigueur d’autrefois, l’expression de sa figure s’est adoucie, son front se dégage plus blanc et moins ridé. Sa main retient debout un énorme fusil. Oh ! les Anglais auront maille à partir avec nous, dit-il à son compagnon, sentinelle comme lui, qui chantait, faisant allusion aux Anglais, ces fameuses paroles :

L’érable dit un jour à la ronce rampante :
Aux passants, pourquoi t’accrocher ?

Quel profit, pauvre sotte, en comptes-tu tirer ?
Aucun, lui repartit la plante,
Je ne veux que les déchirer.