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— On dirait que vous avez beaucoup souffert, et pourtant j’en doute fort.

— Mademoiselle, il y a des douleurs d’un jour qui tuent et abattent l’âme ; au nombre de ces douleurs, est d’aimer et de n’être pas compris.

Pendant qu’ils parlaient ainsi, George, accompagné d’Alexina et d’Amélia, se montre enjoué avec ses compagnes de route. Amélia Gozlau est une ricaneuse dans la force du terme. Elle a vingt ans, pourquoi ne rirait-elle pas ? Oh ! dans la vie, les larmes succèdent si vite à la joie qu’on ne saurait trop rire. Les oiseaux chantent toujours, la mer se plaint toujours, le vent soupire ou murmure, pourquoi les cœurs de vingt ans, le cœur d’une jeune fille ne serait-il pas toujours au sein de la sérénité qu’enfantent le cœur pur et l’âme qui n’a pas senti le froid du mal ?

Pauvre George il s’efforce de sourire pour ses compagnes, mais le cœur lui fait mal ; il envie le sort de Mélas qui accompagne Alexandrine. Il les voit s’avançant là bas, tous deux dans la prairie, elle foulant les herbes et les roses sauvages de son pied agile comme celui de l’Antilope. Quels parfums les environnent ! Quelle mer leur sourit sur la grève blanchâtre ; sa voix douce et caressante vient mourir à leurs pieds. Quel ciel limpide, azuré, rayonnant des splendeurs de l’astre du jour les abrite !

Malgré cela, Mélas est sombre, le cœur semble noyé dans un flot de pressentiment ; et George qui le croit heureux. C’est bien le cas de dire ici qu’on croit toujours son voisin plus heureux que soi même.

Alexandrine souffre, elle aussi ; mais ce sont les invités de son père, elle ne doit pas avoir de préférence plus pour l’un que pour l’autre. Elle se montre