Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/77

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inattendu, qui n’était autre que notre ami George. Fatalité ! se dit il en lui même.

Bonjour, Mélas ! j’ai pris le temps de souper, et me voilà auprès de toi ! Tu es mon meilleur ami, par conséquent je viens à toi. Mais ta mère me dit que tu n’as pas soupé.

— Oui, c’est vrai : une indisposition…

Allons ! vas tu te laisser aller à ces idées de maladie ?

— J’ai tant mangé sur l’île, au pique-nique.

— Tu le dis pour rire. Il me semble que tu n’as pas mangé. Mais, dis donc, n’est ce pas un beau commencement ? Tout le monde nous choie, toi surtout ; car le Notaire m’a parlé de toi en termes qui me disent qu’il te tient en grande estime. Tu es bien heureux, Mélas, de rester ici, au village ; moi, il va me falloir partir.

— Tu as également de la chance d’avoir le goût des aventures. Tu reviendras riche de connaissances, avec un titre honorable qui te permettra de gagner honorablement ta vie. À vaincre sans périls, on triomphe sans gloire, dit Mélas.

— C’est vrai, tout cela ; mais quand on reste au village et que l’on peut y gagner sa vie, soit en cultivant la terre, soit en travaillant autrement, on voit ses parents, ses amis, on jouit du printemps comme des beautés sauvages de l’automne ; on peut aimer, jouir auprès de ceux qu’on aime et qui nous paient de retour ; et si l’enfant de notre choix nous aime profondément, on connaît le bonheur.