Page:Gauvreau - Captive et bourreau, paru dans La Gazette des Campagnes, 1883.pdf/79

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misère ? Pauvre esclave ! me voilà, avec un boulet au pied ; d’un bond je pourrais briser mes chaînes, mais je ne sais quelle puissance infernale me retient :

C’est bien le cas de dire avec le poète :

« Tant de fiel entre t-il dans l’âme des dévots ? »

Mélas, ce cœur d’or avant ce jour néfaste ; ce jeune homme craignant Dieu, comment se fait-il qu’il accusa la Providence, quand toutes ses souffrances ne sont que l’effet de sa liberté. Comment peut il nourrir dans son cœur des idées pareilles, fomenter dans son esprit des projets aussi infernaux ?

Oui, se dit il, je saurai me venger de cet affront. Elle sait que je l’aime ; je lui ai avoué cet amour qui fait mon tourment ; elle m’a fui ; et plus tard, sous l’ombre des grands pins, au bord du lac maudit qui entendit ses serments, elle avoua qu’elle aimait George. Comment ! j’ai entendu, sans perdre la tête, cet aveu qui brisait mes rêves d’un jour. Oui j’ai tout entendu, et depuis ce moment le cœur me saigne ; je maudis ce jour néfaste, et je n’aurai pas de repos que je n’aie… mais il va partir ?… qui sait si tout n’est pas à refaire ? Je flatterai le père, et la fille me reviendra, car « les grands espaces peuvent parfois amoindrir l’amour. » Allons ! courage, se dit il.

Un rayon d’espoir encourageait ce pauvre dévoyé. Il s’y cramponna comme le naufragé à l’épave qui doit le conduire au port. Aussi quand George revint le voir après sa promenade, il le