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tions d’amour de Mélas, elle finit par lui dire que son cœur ne lui appartenait plus, que George en était le maître. Ils s’étaient juré fidélité inviolable pour la vie.

Mélas comprit qu’il allait avoir à lutter contre un mur solide. Il connaissait à Alexandrine une volonté de fer, une énergie à toute épreuve.

La lutte devait donc être terrible. Les projets de haine et de vengeance qui dormaient sous la cendre d’un espion plus ou moins fort, s’éveillèrent fortement dans le cœur de Mélas, quand il comprit que tout espoir était perdu ! Cet homme si bon était devenu méconnaissable. L’agneau s’était fait loup. Hélas ! il avait trop écouté cette voix maudite qui le portait à se débarrasser secrètement d’un rival qui était son meilleur ami. Étrange aberration du cœur humain ! Il avait aimé ce jeune homme cet ami ; aujourd’hui même il avait à lutter contre cette voix du cœur qui lui rappelait le serment de fidélité juré sur les bancs du Collège. Mais la passion l’emportait sur la raison ; les bonnes inspirations qui naissaient parfois dans son âme plus qu’à moitié gangrenée, ne naissaient pour mourir de suite comme des fleurs tardives et privées de soleil et de lumière. Une fois engagé dans cette voie terrible du mal, la pente est facile et l’on y marche rapidement.

Cinq années se sont écoulées depuis le départ de George pour les Indes. Nous sommes au mois de mai de l’année 1815. Le ciel nuageux a des teintes gris-plomb ; la terre, dépouillée de son manteau de neige pourrie et de glace, montre çà et là des espaces de verdure avancée qui repose agréablement les yeux ; quelques notes éparses, aux heures si calmes du soir, égaient la campagne : c’est le chant des rossignols, ces gais messagers de la belle saison.