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— Il va venir !

— Qui ça ? répond du dehors une voix gutturale qui ressemblait à un éclat d’obus.

— Viens ici, Plume d’aigle, dit la sauvagesse.

— Quoi, femme ?

— Tu sais dans la prairie, là bas ? ban, va me chercher les herbages que tu sais. Les herbages de la destinée ?

— Oui. C’est fait. Attends tu quelque gibier !

— Attendre ?

— C’est tout fait, le voilà ; pourtant on entend rien au dehors.

En effet, à peine achevait-elle ces paroles qu’un étranger entra dans le taudis, avec une familiarité marquée. Il ne devait pas en être à sa première visite.

Pauvre Mélas, et c’était lui, à quel degré d’abaissement n’était-il pas rendu ! Après avoir essayé vainement son pouvoir auprès d’Alexandrine, après avoir trahi son serment de fidélité juré un jour solennel, il fréquentait les maudits, les parias, cette sauvagesse et son fils, deux suppôts de satan. Son cœur, blessé de se voir éconduit, n’ayant plus d’espoir, ne pouvait pardonner à Alexandrine son indifférence pour lui et sa passion pour George. Aussi promit-il de se venger. Nourrissant cette pensée dans son âme de boue, il se l’assimila pour ainsi dire et en fit le but constant de son occupation.

Un jour funeste allait sonner dans sa vie ; et chez la sauvagesse allait commencer le triste chemin qui devait en si peu de temps le conduire au crime, ce moyen des lâches.

— C’est encore moi, femme, dit Mêlas en rentrant.

— Encore ! c’est en reproche ; et tu sais que j’aime à te voir.

— Femme, c’est une heure décisive que celle qui m’amène ici. Je ne puis lui pardonner mon amour refusé, méconnu et dédaigné. Il me faut la ven-