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et les caprices de leurs formes, des jeux infinis d’une imagination inépuisable, des polypiers, dont les nervures inextricables ressemblent aux guipures les plus fines, aux dentelles les plus délicates ; d’un autre côté, c’étaient des végétaux aussi simples dans leur structure que prodigieux dans leurs dimensions, car ils se nourrissaient, se gorgeaient de l’acide carbonique dont l’atmosphère était saturée, épurant ainsi cette atmosphère par une mystérieuse combinaison, pour que le dernier venu de la création pût un jour y respirer. Ces végétaux étaient des fougères, gigantesques, des algues et des mousses monstrueuses, des bambous, des roseaux, des bruyères de trente et quarante mètres de hauteur, végétation dont notre terre refroidie, desséchée, ne saurait nous donner une idée, même dans nos régions équatoriales, forêts primitives d’une nature jeune et luxuriante, dont les détritus entassés, suivant quarante ou cinquante couches, ont formé nos amas inépuisables de houille. Et voilà les richesses que la nature a préparées et cachées au sein du globe pour les temps où l’industrie de l’homme viendrait à changer la face de la terre ! Dans cette époque Paris resta probablement couvert par la mer, et pendant que le nord de la France, la Belgique et l’Angleterre formaient une grande île houillère, pendant que le plateau central de l’Auvergne émergeait du sein des eaux, aucune de ces îles à grands végétaux où la houille s’est déposée n’apparut dans son bassin, ou bien s’il en apparut, les catastrophes subséquentes les auront enfouies à des profondeurs où l’on n’a pu encore parvenir. Le Créateur, en entassant les masses du précieux minéral dans des terrains étrangers au sol de Paris, réservait-il à cette ville, au lieu de l’empire de l’industrie, l’empire des idées ? Était-ce un enseignement pour l’époque où l’on voudrait réduire les instincts généreux et le dévouement civilisateur de ses habitants aux sollicitudes britanniques des intérêts matériels et au culte hébraïque des gros sous ?

IV

Paris resta encore sous les eaux pendant quatre ou cinq cataclysmes qui firent varier l’étendue et les bornes de la mer où il était situé, qui amenèrent dans son sein des poissons, des lézards, des tortues, qui donnèrent à la végétation des caractères moins gigantesques et plus prononcés. Dans cette mer se déposèrent successivement des terrains où le