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calcaire domine, mêlé à diverses autres substances, et qui forment des assises concentriques comparables à une série de vases semblables qu’on ferait entrer les uns dans les autres. Le plus remarquable de ces terrains est le calcaire dit du Jura, qui sert aujourd’hui de support à tous les dépôts qui se sont faits après lui. À l’époque où il se forma, la mer de Paris était un grand golfe limité au sud par Poitiers et Nevers, lesquelles appartenaient à l’île du plateau central de la France, à l’est par Bâle, Metz et Dunkerque, lesquelles appartenaient à une grande île comprenant toute l’Allemagne, à l’ouest par Nantes, Saint-Malo, Bristol, Édimbourg, lesquelles appartenaient à une grande île où la Bretagne, l’Angleterre, l’Écosse, l’Irlande, étaient confondues. Londres se trouvait dans la mer, à l’entrée du golfe de Paris qu’elle semblait garder et surveiller comme par prévision de l’avenir ; mais les deux villes avaient alors même existence, même climat, mêmes citoyens. L’entente cordiale entre l’Angleterre et la France serait-elle donc un bonheur renouvelé de ces âges primitifs où il n’y avait sur notre sol que des tortues, des reptiles et autres bêtes ?

Ces bêtes étaient d’ailleurs fort curieuses et ressemblaient peu à celles qui habitent aujourd’hui le bassin de Paris ; c’étaient, d’abord, des amas prodigieux de zoophytes, de mollusques et de crustacés dont les genres n’existent plus ; puis des poissons inconnus qui n’ont laissé pour reliques que des poches d’encre analogues à celles des sèches et d’un volume considérable. L’encre ou sépia qu’on peut tirer de ces fossiles est encore aussi bonne que celle qu’on prépare avec la sèche commune, et plus d’un lavis moderne doit son éclat au liquide laissé par un animal qui vivait il y a quelques milliers de siècles. Quel dommage qu’il n’y ait pas eu de Grandville à cette époque pour nous décrire les scènes de la vie publique et privée de ce poisson, antique et vénérable ami des arts ! Ensuite venaient des tortues ayant des carapaces de trois à quatre mètres, des serpents, des crocodiles, les lézards monstrueux, ayant dix à douze mètres de longueur, et qui ne vivaient que dans les eaux hydres voraces que l’imagination des poëtes anciens et celle des sculpteurs du moyen âge semblent avoir devinées. L’un d’eux avait un museau de dauphin, des dents de crocodile, des rames de cétacé, une queue de poisson un autre avait en outre un cou de serpent aussi long que son corps un troisième, avec une longueur de vingt-cinq mètres, possédait une queue haute et plate qui formait une large rame verticale. Enfin, avec tous ces monstres vivait un animal encore plus étrange, espèce de dra-