Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 2.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion



eu de jeunesse et qu’on a été marié, avant vingt-cinq ans, avec une femme rousse…

— Quelle peut être l’origine du carnaval ?

— Je ne sais pas trop. — Je crois que ça vient des Romains.

— J’ai lu dans le temps à ce sujet une dissertation très-curieuse dans le Voleur. »

Ici, un pierrot s’arrête devant la banquette où sont assis les deux amis, et, s’adressant au négociant :

« Va donc, eh… mufle ! — T’es gai comme un jour sans pain. — Faut-il un domestique pour secouer tes grelots ?… — Pourquoi que tu t’es déguisé en Folie ? — On va te reconnaître, petit extravagant. — Mais t’as donc assassiné ton beau-père, que t’es gai comme ça ? — Moi, je pleure des larmes de sang ; je viens de la Maison d’or : il n’y a plus d’huîtres. — Ne restez pas au foyer, les écaillères vont vous ramasser.

— Monsieur ! dit le négociant avec dignité.

— De quoi, monsieur ! reprend le pierrot. Tu ne peux pas dire citoyen ? Le citoyen Pierrot, entends-tu ? qui monte sa garde et paye dix francs de contributions, comme un chien. — À propos, comment t’appelles-tu, mon ange ?

— Monsieur, dit l’avoué de province, nous ne sommes pas de votre société ; passez votre chemin. — Nous sommes venus ici prendre un plaisir décent, et nous sommes peu faits à vos manières.

— Et nous ne les supporterons pas, ajoute le négociant en devenant très-rouge.

— Ah ! vous voulez parler raison ? dit le pierrot en se glissant comme un serpent entre les deux provinciaux, qu’il enveloppa de ses deux grands bras après les avoir pieusement baisés au front. — La raison, voyez-vous, c’est ma partie. — Tel que vous me voyez, je suis professeur de philosophie à l’université d’Oxford. — Parlons de l’immortalité de l’âme. — Toi, mon gros, pourquoi as-tu l’air si bête ? C’est donc une âme d’occas’ que t’as dans l’estomac ? »

Les deux provinciaux firent un mouvement pour se dégager.

« Bougeons pas ! dit le pierrot en continuant à les étreindre d’un bras nerveux, et ne blaguons pas avec papa ! — Que nous sommes donc deux petits scélérats de province et que nous sommes venus à Paris pour voler toutes les phâmes à ce pauvre Pierrot ? Que si la chambre de commerce le savait, que ton portrait serait voilé comme celui de