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« Mon cher, dit le premier ami, vous tombez mal : j’ai perdu hier cinquante louis au lansquenet. — Figurez-vous que je n’ai pas pu attraper une main de toute la nuit ! — Je suis bien fâché, — bien désolé, — etc. »

Ailleurs, l’ami est à la campagne, — aux eaux.

Enfin, on rencontre un grand cœur, — un homme qui sait compatir au malheur.

« Mon cher, dit cet ami, vous savez que j’ai toujours eu de la sympathie pour vous : — je veux vous sauver. Je vous prêterais les cinq cents francs que vous me demandez, que vous ne seriez pas plus avancé dans un mois ; — je ferai mieux. — Je viens d’intéresser mes capitaux dans une compagnie d’assurances. — Je suis en position d’imposer un employé ; — il y a là une place de douze cents francs, — elle est à vous. »

Ceci est une façon d’assommer le lion ruiné et importun avec une bûche économique. — Aller à un bureau à huit heures, en sortir à six heures, s’hébéter dans des expéditions et des additions, dîner à vingt-deux sous, se coucher sans feu, être banni du paradis social, et le contempler à la distance où végètent les damnés du travail sans gloire et sans profit, voilà la perspective qu’on ouvre devant l’homme qui naguère était assis au festin de la vie parisienne ! Même dans ses plus mauvais rêves, le prodigue ruiné n’avait pas entrevu cette douloureuse expiation.

Généralement, il refuse ce secours dérisoire. — Il n’en est pas là. — Il attend de l’argent de sa famille. — Il ne voulait qu’une avance, etc. — Bref, il refuse la superbe place qu’on lui offrait. — L’ami s’en doutait un peu. — Mais le voilà en règle avec sa conscience. — Quand il rencontrera les anciens compagnons de plaisir du lion ruiné, il pourra encore se poser sur le piédestal du bienfaiteur méconnu.

« Comprenez-vous Gaston ! il n’a plus le sou. — Je lui offre une place de douze cents francs, et il refuse… »

Ici, chœur d’amis :

« Vraiment !…

— C’est insensé !

— C’est un garçon perdu !

— Je voyais bien qu’il allait trop vite.

— Il y a un tas de jeunes gens qui veulent faire, comme ça, de l’embarras…