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Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 2.djvu/162

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la victoire. Elle devient l’Opposition !… Encore un triomphe de ce genre, et Adolphe irait en cour d’assises accusé d’avoir étouffé sa femme entre deux matelas, comme l’Othello de Shakspeare. Caroline se compose un air de martyre, elle est d’une soumission assommante. À tout propos elle assassine Adolphe par un : — Comme vous voudrez ! accompagné d’une épouvantable douceur. Aucun poëte élégiaque ne pourrait lutter avec Caroline, qui lance élégie sur élégie : élégie en actions, élégie en paroles, élégie à sourire, élégie muette, élégie à ressort, élégie en gestes, dont voici quelques exemples où tous les ménages retrouveront leurs impressions.


Après déjeuner : — « Caroline, nous allons ce soir chez les Deschars, une grande soirée, tu sais…

— Oui, mon ami. »

Après dîner : — « Eh bien, Caroline, tu n’es pas encore habillée ?… » dit Adolphe, qui sort de chez lui magnifiquement mis.

Il aperçoit Caroline vêtue d’une robe de vieille plaideuse, une moire noire à corsage croisé. Des fleurs plus artificieuses qu’artificielles attristent une chevelure mal arrangée par la femme de chambre. Caroline a des gants déjà portés.

« Je suis prête, mon ami…

— Et voilà ta toilette ?..,.

— Je n’en ai pas d’autre. Une toilette fraîche aurait coûté cent écus.

— Pourquoi ne pas me le dire ?

— Moi, vous tendre la main,… après ce qui s’est passé.

— J’irai seul dit Adolphe, ne voulant pas être humilié dans sa femme.

— Je sais bien que cela vous arrange, dit Caroline d’un petit ton aigre, et cela se voit assez à la manière dont vous êtes mis. »


Onze personnes sont dans le salon, toutes priées à dîner par Adolphe. Caroline est là comme si son mari l’avait invitée, elle attend que le dîner soit servi.

« Monsieur, dit le valet de chambre à voix basse à son maître, la cuisinière ne sait où donner de la tête.

— Pourquoi ?