Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 2.djvu/48

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prend guère qu’à l’état d’ouvreuse de loges. Perd-elle son gracieux embonpoint, il lui reste ses cheveux ; perd-elle ses cheveux, elle se rabat sur ses dents ; perd-elle ses dents, il lui reste ses yeux, longtemps fins et moqueurs, miroirs conservateurs de tout ce qu’ils ont vu ; l’éclat de ses yeux s’évanouit-il, il lui reste son sourire qui garde tant de choses dans ses plis ; enfin, a-t-elle tout perdu, il lui reste encore son esprit ; elle s’y plonge tout entière, et la voilà rajeunie.

l’esprit d’une parisienne est son immortalité.

Je ne veux pas dire à quel âge une Parisienne est vieille : une vérité est déjà une chose si triste qu’il faut se garder de la rendre offensante ; mais dès qu’une Parisienne a l’indulgence de se croire vieille, elle conquiert à l’instant même une jeunesse qui ne passe plus. Quel inépuisable trésor que sa mémoire ! quel livre que ses souvenirs ! quelle profondeur dans ses conseils ! quelle fermeté ! quelle durée dans ses affections ! quel guide dans la vie !

Tout homme d’État, tout philosophe, tout artiste, tout poëte, tout homme enfin qui n’a pas passé quelques années dans l’intimité des vieilles femmes parisiennes a manqué son éducation du monde. Sa vie entière se ressentira de ce tort, on pourrait dire de ce malheur.

Consultez les mémoires des hommes illustres des temps passés ; interrogez les souvenirs de ceux qui occupent aujourd’hui le premier