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IDÉES D’UN VIEUX GARÇON SUR L’AMOUR
par p.-j. stahl

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Mes amis, dit Raymond, nous serions mille ici, choisis parmi les jeunes premiers les moins discrets d’un temps où la discrétion en amour ressemble presque au reniement de la personne aimée, je dis mille, racontant a l’envi l’histoire des tentatives faites par chacun d’eux pour rencontrer l’amour vrai ici-bas, que nous n’aurions encore rien dit de définitif sur une matière qui, à elle seule, embrasse et comprend toutes les autres.

L’histoire de l’amour c’est l’histoire de la vie même. Le monde n’a été prêt à vivre que le jour où il s’est senti prêt à aimer. La terre ne tourne que parce qu’elle aime. Notre globe n’est qu’un gros cœur tout rempli de flammes amoureuses. Le soleil, la lune, les astres, la multitude infinie des étoiles, tout cela ne se meut qu’en vertu de la loi suprême qui régit tous les mondes : la loi d’amour.

Cette loi, les savants, retardant en ceci de plusieurs milliers d’années sur les amoureux, se sont, à la fin, décidés à la proclamer.

Tout remonte donc à l’amour, même de par la science. La loi d’attraction, la loi d’amour est, sur la terre comme au ciel, le principe et la fin de tout. Rien ne se peut dire étranger à l’amour dans l’univers créé. L’amour y est nécessaire même aux choses. Tout ce qui des profondeurs du globe s’exhale à sa surface, tout ce qui du haut des cieux descend jusqu’à nous, ce sont les manifestations de l’amour. Par lui, et par lui seul, tout naît, tout se renouvelle, tout se tient et se maintient. Il est le ciment invisible qui relie les montagnes aux vallées, les forêts au sol, les eaux à la terre. Ôtez-le d’ici-bas, et instantanément vous désagrégez l’œuvre de Dieu. La création n’est plus qu’une immense, confusion de choses énormes retournant pêle-mêle à la poussière ; les arbres séculaires tourbillonnent dans le vide comme des plumes au vent ; les roches reviennent miette à miette à l’atome, les eaux goutte à goutte à la vapeur. Les mers s’en vont en fumée. Les cieux s’éteignent. Tout s’effondre. L’homme et l’animal ont subitement disparu, il n’en est plus question. Le néant est le maître. La terre est morte. L’univers est défunt,