Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 3.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après cette maîtresse, celles qui vont passer sous nos yeux sont sans contredit d’un ordre plus brillant ; mais impriment-elles un souvenir aussi doux, aussi tendre au fond du cœur ? Je vous en fais juge, mon lecteur.

les maitresses d’argent.

Sous ce titre s’ouvre devant nous une vaste galerie de portraits, car il y a :

1° La maîtresse qui vous aime autant pour vous que pour votre argent ;

2° Celle qui vous aime plus pour votre argent que pour vous ;

3° Celle qui ne vous aime que pour votre argent ;

4° Celle qui vous aime plus pour vous que pour votre argent, et cependant qui aime l’argent.

Étudions d’abord :


la maitresse qui vous aime autant pour vous que pour votre argent.


Celle-là ne sera pas longtemps, je le crains, dans les mêmes termes avec vous. Elle finira, tombant du côté par où elle penche, par préférer ce qui sonne dans la poche à ce qui brûle au fond du cœur. Un jour l’équilibre, péniblement maintenu, sera rompu tout à fait. Les très-jeunes maîtresses deviennent à Paris des exemples de ces conversions en faveur de l’argent, dès qu’elles ont acquis avec vous une expérience qu’elles ne peuvent mettre à profit qu’avec d’autres. Après avoir balancé, comme la tombe de Mahomet, entre l’aimant du cœur et l’aimant de l’argent, elles finissent, plus résolues que le cercueil du Prophète, par vous quitter avec une larme et un sourire, heureuses et tristes à la fois.

À dater de ce jour elles prennent place à côté de :


la maitresse qui vous aime plus pour votre argent que pour vous.


Les maîtresses de ce genre ont été de tout temps fort nombreuses dans la bonne ville de Paris, et c’est à elles, rien qu’à elles, que la littérature doit, inestimable avantage, ces amusantes, ces délicieuses comédies du xviiie siècle où l’on voit les fermiers à gilets d’or, à culottes de brocart, les financiers à bec-de-corbin-grugés par tant de spirituelles grandes dames dont les servantes, aussi friponnes qu’elles, s’ap-