Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 3.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pellent Nérine, Dorine et Marton. Dancourt s’est fait un nom en excellant dans la peinture un peu haute en couleur, mais fort divertissante, de ces femmes, qui dissolvent, plus activement que certains acides, l’or, l’argent et les pierres précieuses. Dans notre siècle, le vaudeville les a traduites avec moins de succès, par la raison qu’elles ont pris, au milieu de notre société moderne, une physionomie plus accusée qu’au xviiie siècle. Elles volaient Mondor et M. de la Rapinière, elles ne trompent même plus Arthur devenu banquier. Les ingénieuses roueries à l’aide desquelles elles plumaient tout vivants les financiers et les maltôtiers ont été remplacées par un traité en règle et fidèlement observé des deux parts : ce qui donne lieu à parler ici, mais très-succinctement, de la maîtresse qui ne vous aime que pour votre argent.

la maitresse qui ne vous aime que pour votre argent.

Cette glorieuse subdivision se compose des maîtresses qui vous aiment :

Rue de Grammont, pour trois cents francs par mois, les gants et les fleurs ;

Rue du Helder, pour quatre cents francs par mois et un groom ;

Rue Saint-Lazare et du Mont-Blanc, pour cinq cents francs par mois et une voiture à un cheval ;

Faubourg du Roule, deux mille francs par mois, le pavillon d’un hôtel, deux voitures, un cuisinier, un chasseur et deux chevaux.

Enfin, pour borner cette liste et non la clore, il faut encore citer celles qui aiment pour leur argent les princes et les ducs, et qui sont toujours obligées de plaider avec leur intendant quand elles veulent rentrer dans les frais de leur amour.

Ces maîtresses blasonnées ont un profond dédain pour :


la maitresse qui vous aime plus pour vous que pour votre argent.


Cette maîtresse désintéressée s’expose à votre avarice ou à votre générosité, deux sentiments que les femmes détestent parce qu’elles n’admettent ni le despotisme ni les concessions. Afin de ne tomber ni dans les concessions ni dans le despotisme, elle creusera un piège innocent auquel vous vous prendrez avec une merveilleuse facilité. Nous allons indiquer ce piège, échantillon de bien d’autres, en rapportant un dialogue sténographié par une victime.