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Nous sortîmes. Je le suivais pas à pas. Nous passions dans la foule comme à travers une procession. Tout en marchant il me demanda :

« Ta lettre est pour un maître menuisier, rue de la Harpe ?

— Oui.

— Mais tu n’es pas encore embauché ?

— Non.

— Tu ne vas pas demeurer dans sa maison ?

— Non.

— Eh bien, il faut aller te loger aux environs, dit-il ; laisse-moi faire, je connais rue des Mathurins-Saint-Jacques un endroit où l’on passe la nuit à dix sous. Ceux qui louent au mois payent sept, huit, dix francs ; ça dépend de la chambre. Tu verras, mais on paye d’avance.

— C’est bien, lui répondis-je, conduis-moi dans cette auberge, et si tu connais un endroit où l’on mange à bon marché, tu me le montreras avant de partir.

— Justement, fit-il, à côté se trouve le restaurant de Flicoteaux, un des bons endroits de Paris.

— Mais ça coûte cher, peut-être.

— Non, pas trop… ça dépend des plats et du vin. En mangeant du bœuf et buvant de l’eau, on paye de huit à dix sous. Mais si l’on demande du poulet et du vin, ça monte tout de suite à seize ou dix-huit sous, et même plus. »

Je pensai naturellement qu’avec un bon morceau de bœuf, du pain et de bonne eau, je n’aurais pas besoin de vin ni de poulet.

Nous passions alors auprès d’une grande bâtisse entourée de grilles et toute couverte de sculptures. Notre rue donnait sous la voûte de cette bâtisse magnifique, mais nous prîmes à gauche pour en faire le tour. Montborne me dit que c’était le Louvre. Comme nous tournions au coin de la grille à droite, je vis pour la première fois les quais qui suivent la Seine, le Pont-Neuf qui la traverse, et la statue de Henri IV, à cheval, au milieu du pont.

C’est là qu’on peut voir la grandeur de Paris, principalement sur le Pont-Neuf, lorsqu’on regarde à droite, le Louvre qui s’étend aussi loin qu’il est possible de regarder, l’Arc de triomphe, à plus d’une lieue, au bout d’une grand avenue d’arbres ; et, de l’autre côté, le Palais de justice, la cathédrale de Notre-Dame et l’île de la Cité pleine de vieilles maisons qui se regardent dans l’eau.

Ces choses, je ne les ai connues que plus tard ; alors j’en étais ébloui