que je ne me livre pas tous les jours à cette suée violente, il faut des circonstances tout à fait exceptionnelles.
— Alors tu es donc dans des circonstances de ce genre ?
— Je crois bien, je monte après-demain dans un handicap, et je ne dois peser que cinquante et un kilos ; pour un jockey c’est un poids ordinaire, mais pour un gentleman, cent deux livres c’est raide ; il faut donc que d’ici là j’arrive à ce poids, et le suaire en caoutchouc, aidé d’une médecine, peut seul faire ce miracle. Si j’avais été prévenu, je me serais entraîné régulièrement et progressivement, et j’y serais bien arrivé ; on peut très-facilement maigrir d’une livre par jour sans souffrir.
— Vraiment !
— Tu comprends que si tous les matins en me levant j’endosse les uns par-dessus les autres trois pantalons de flanelle, cinq gros gilets, si par là-dessus je mets mes vêtements ordinaires, si ainsi chargé je fais une dizaine de kilomètres au pas de course, si en rentrant je bois deux ou trois tasses de thé très-chaud, si j’observe une diète sévère, c’est-à-dire si je reste sur mon appétit, ne mangeant ni légumes, ni viande, ni pain, ne buvant ni alcool ni vin pur, je peux très-bien, en dix jours, perdre dix livres. C’est là le régime des jockeys qui veulent se mettre en état, et il n’a rien de mauvais, au lieu d’affaiblir il fortifie. Mais pour maigrir du jour au lendemain il faut autre chose, et voilà pourquoi je suis sous cet appareil comme un saint Laurent sur son gril.
— Et quand tu pèserais deux livres de plus ?
— Malheureux, tu ne sais donc pas ce que c’est qu’un handicap ?
— Parfaitement, mais…
— Voyons, écoute-moi un peu et tu vas comprendre la nécessité de cette suée. Tu sais que le handicap est basé sur cette règle : « Une once ajoutée au poids que porte un cheval se traduit par un mètre de retard sur un kilomètre. »
Je m’étais bien promis d’écouter en silence, cependant cette règle énoncée comme une vérité mathématique me fit faire un mouvement que du Vallon comprit.
« Il n’y a pas à s’étonner, fit-il, cela est certain comme deux et deux font quatre et comme l’axiome de géométrie qui nous apprend que la ligne droite est le chemin le plus court d’un point à un autre. Cela d’ailleurs a été démontré par de nombreuses expériences, c’est-à-dire que si tu prends deux chevaux de mérite exactement pareil et dans la même condition, si tu mets sur l’un cinquante-trois kilos et sur l’autre cinquante-