avait jeté un regard furtif sur le lion, regard inquisiteur et peu bienveillant, et elle avait conclu le sermon de sa mère par un petit geste d’impatience voulant dire clairement :
« J’étais sûre que ce serait un trouble-fête ! »
Cependant on partit pour la mairie et l’on mit Léonce dans la voiture de la mariée avec Mme Laloine et un des témoins de cette famille. Heureusement que le trajet n’était pas long ; car ces quatre personnes étaient fort embarrassées, et le collègue de Léonce ne trouva rien de mieux que de lui dire :
« Que pensez-vous, monsieur, de la question des sucres ? »
Sterny n’en avait aucune idée, mais il répondit froidement :
« Monsieur, je suis pour les colonies,
— Je comprends, dit amèrement le témoin ; le progrès de l’industrie nationale vous fait peur. Mais enfin le gouvernement veut tout ruiner en France, c’est un parti pris. »
Et là-dessus le monsieur entama la question, qui dura jusqu’à la mairie sans qu’il fût besoin que personne prît la parole.
Léonce ne pensait déjà plus à la belle Lise, et commençait à trouver la tâche fatigante. On arriva, et comme Léonce venait de descendre de voiture, il aperçut Lise qui, le visage rayonnant, venait de sauter de la sienne. Il se passa en ce moment une espèce de petit embarras qui fut peut-être la cause première de toute cette histoire. Lise donnait le bras à un grand jeune homme décoré du nom de garçon d’honneur et qui touchait à Sterny. Lise, appelée par une autre jeune fille venant derrière elle, se retourna pour rétablir une fleur dérangée dans sa coiffure, tandis que le garçon d’honneur restait immobile tenant son bras ouvert en cerceau pour recevoir le beau bras de la jeune Lise. Mais au moment où elle achevait son office, une voix appela le jeune homme en tête du cortége. Il s’éloigna, tandis que Lise passa son bras dans celui qu’elle rencontra à sa portée, et qui se trouva être celui du beau lion : alors elle se retourna vivement en disant :
« Allons, dépêchons-nous ! »
À l’aspect du visage de Sterny, elle poussa un petit cri et voulut se retirer ; mais Léonce serra le bras, retint la main, et dit en souriant :
« Puisque le hasard me le donne, je veux en profiter.
_ Pardon, monsieur, répondit Lise, mais je suis demoiselle d’honneur ; je ne peux pas, M. Tirlot se fâcherait.
— Qui ça, M, Tirlot ?