« Dites que je veux chanter aussi. »
Lise se leva, étendit sa jolie main, et chacun se tut, s’attendant à quelque chanson nouvelle dite par la jeune fille. Mais quand elle réclama le silence pour M. le marquis, il y eut des cris d’étonnement et de félicitation pour son amabilité.
Sterny jouait gros jeu ; il pouvait être ridicule même pour ces bourgeois ; il l’était pour lui-même, et le sentit. Il se jeta tête baissée dans le danger et voulut précipiter la catastrophe :
« Pardon, messieurs, dit-il, ce n’est pas une chanson, mais un couplet qui me paraît manquer à la chanson si spirituelle de M. Tirlot. »
M. Tirlot s’inclina.
« Voyons ! voyons ! » dit-on de tous côtés.
Et tout aussitôt Sterny se mit à chanter presque aussi fièrement que M. Tirlot lui-même, en s’adressant d’abord à M. et Mme Laloine :
Le droit sacré de faire des heureux
Est si beau que Dieu nous l’envie.
En montrant Prosper Gobillou et sa femme :
Ainsi que vous, quand on en a fait deux,
C’est bien assez, notre tâche est remplie ;
À M. et Mme Laloine, seuls :
Et cependant, ce droit que l’on bénit
N’est pas, pour vous, épuisé sur la terre,
En se tournant vers Lise :
Car en voyant Lise chacun se dit ;
Il leur reste un heureux à faire !
Oh ! lion, quelle honte ! un couplet improvisé à table, à une noce de patentés ! Lion, que vous êtes petit garçon ! pauvre lion.
Léonce n’eut pas le temps d’y penser ; car à peine le couplet fut-il achevé que toute la table craqua d’applaudissements, de trépignements, de bravos. Lise, qui ne s’attendait pas à la conclusion, cachait sa rougeur en baissant la tête ; Mme Laloine, tout en larmes, se leva pour venir embrasser sa Lise, en disant à M. Tirlot :