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GAZETTE DES CAMPAGNES
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colonisation en faveur de la race canadienne française. La colonisation, malgré les obstacles qu’elle a subis, a fait ses preuves. Qu’il suffise de dire que l’agriculture a fait jusqu’ici la plus solide gloire des canadiens, puisqu’elle a été la base et la garantie humaine, la moins incontestable de leur prospérité, de leur esprit de paix, de leurs mœurs honnêtes, simples et hospitaliers, de leur foi vive, de leur bonheur social et domestique.

Mais les temps changent, et tout change aujourd’hui de par le monde. Seuls les principes ne changent point ! L’honneur, la piété, les vertus publiques et privées, les devoirs sociaux, et ceux de la famille comme ceux de la conscience individuelle ; voilà qui ne change point. Là est l’immuabilité sur la terre, chose si nécessaire au milieu du tourbillon de tant de têtes et de choses qui se choquent et se tuent journellement sur notre pauvre globe. Mais là heureusement, point de nouveaux droits à l’encontre de ce droit primordial et divin qui règle fondamentalement la société générale et domestique, et l’individu lui même.

Mais à part ces principes de premier ordre, il est des besoins sociaux et domestiques, qui bien étudiés, et conduits avec de sages intentions, peuvent et doivent varier selon l’esprit et les nécessités du temps. À cet ordre de choses appartient le soin de la prospérité matérielle d’un peuple. Et par là nous entendons avant tout le soin de la nationalité, qui comprend tous les intérêts majeurs de ce peuple.

Or, après la religion et les mœurs, après l’union toute chrétienne des canadiens-français entre eux, il n’y a point d’intérêt plus grave, d’élément plus important, dans le domaine de notre nationalité, que l’élément agricole et colonisateur.

Donc sans plus insister, qu’il soit admis de tous que cet élément doit aujourd’hui devenir, de la part de tous, l’objet d’un soin et d’un dévouement spécial.

Que les défauts et les obstacles qui ont nui jusqu’ici à cet élément, soient discutés librement sans craindre la malveillance d’aucun, mais bien au contraire avec le concours, ou du moins l’encouragement de tous.

Que cet élément trouve enfin entrée chez le peuple par un enseignement simple, mais suffisant. Qu’il soit admis à l’école et au foyer domestique. Qu’il suive le laboureur jusque dans son sillon, ou près de sa gerbe, servant à le délasser de ses fatigues tout en l’instruisant.

Pour en venir là, nous aurons à dire, pour notre part, dans le cours de nos travaux, 1o ce que le gouvernement et notre législature ont fait déjà en faveur de l’agriculture et de la colonisation ; et ce qu’il leur reste à faire à l’égard de ces deux sources vitales de notre prospérité nationale.

2o Ce qu’ont fait et ce que doivent devenir nos sociétés d’agriculture pour être vraiment utiles au peuple dans sa vie d’agriculteur et de colon.

3o Ce qu’ont entrepris et ce que peuvent réaliser de bien pour la même cause, les écoles d’agriculture, les sociétés de colonisation et les associations de secours.

Puis, nous joindrons de grand cœur notre faible voix à la voix publique qui demande si puissamment aujourd’hui l’établissement d’un ministère de l’agriculture pour cette partie du pays trop oubliée peut-être jusqu’ici, et qui comprend précisément notre Bas-Canada français et catholique.

À côté de ces considérations, nous demanderons au public intelligent, impartial et véritablement ami de la cause agricole, s’il ne serait pas expédient, 1o d’amender la constitution de la Chambre d’Agriculture, celle des sociétés d’agriculture, et d’augmenter l’octroi pécuniaire que la législature alloue, tous les ans dans l’intérêt de l’agriculture et de la colonisation. 2o S’il ne serait pas très utile de former une Chambre et des sociétés de colonisation. 3o S’il ne serait pas urgent d’introduire l’enseignement agricole à tous les degrés de l’instruction destinée aux classes laborieuses sans porter préjudice aux écoles spéciales déjà établies ou qui s’établieront par la suite. 4o S’il ne serait pas d’une heureuse initiative de fonder parmi nous le crédit foncier, si avantageux ailleurs, ainsi que des banques agricoles. Enfin ne serait-il pas avantageux de réformer notre législation hypothécaire et douanière ?

Et telle serait, en trois mots, la mission spéciale de notre journal : établir le véritable état de l’agriculture et de la colonisation, tel qu’il est aujourd’hui ; introduire dans la discussion l’étude des questions que nous venons de poser ; et donner un enseignement pratique et populaire, fondé sur l’expérience et l’étude de principes généraux incontestables.

Sans vouloir blâmer personne, il reste certain pourtant qu’il faut au peuple, en agriculture comme en tout autre enseignement, peu de principes, peu de paroles, peu de frais : car son sens est droit, son esprit calme, ses désirs modérés, et ses ressources financières restreintes. Qu’il y ait avec cela quelques écoles spéciales dans lesquelles les théories agricoles s’élèveraient à la hauteur de la science proprement dite, cela ne serait qu’un avantage de plus, le complément même de tout l’ensemble de notre enseignement national touchant l’agriculture. Mais, en même temps, restons bien persuadés que le plus pressant comme le plus utile dans cette cause c’est l’éducation agricole du peuple et non des riches : éducation simplement, pratique, générale et proportionnée à ses moyens. Et c’est là par conséquent qu’il est vrai de dire, peu de principes, peu de paroles et peu de frais. En retour, vu certains préjugés, ou peut être, vu certaines bonnes raisons, il faut beaucoup d’encouragement, de volonté, d’abnégation et de dévouement pour faire réussir une cause si simple toutefois dans ses moyens et si pleine pourtant de bienfaits du premier ordre.

Qui donc, aujourd’hui que le sol tremble sous nos pas, ne voudrait pas penser ainsi. Qui ne voudrait pas mettre la main au salut matériel et national du peuple si digne encore d’avoir pour amis et pour appuis tous les esprits justes, tous les cœurs généreux, toutes les volontés fortes et consistantes.

C’est du moins notre espoir, tous le veulent. L’ayant manifesté cet espoir, nous allons travailler à en développer les résultats dans notre journal. Cet espoir nous soutiendra non seulement de son esprit, mais encore par une coopération plus efficace par l’idée que si nous sommes d’accord avec la pensée publique, celle-ci nous aidera par tout moyen à poursuivre utilement notre carrière.