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chapitre vi

alors les Jésuites, leurs affidés et leurs suppôts ; si l’on veut s’en faire une idée, il n’y a qu’à parcourir les Mémoires du Père Rapin, publiés dans leur intégrité et sans le moindre désaveu en 1865. Sainte-Beuve s’en est beaucoup servi, car ce Tallemant des Réaux jésuite fournit un trésor d’anecdotes qui ne sont pas toutes fausses, et il était bien placé pour voir ce qui se passait autour de lui. Il était le commensal du premier président de Lamoignon, lequel, comme beaucoup de grands personnages de ce temps-là, se croyait obligé de confier aux Jésuites l’éducation de ses enfants et d’avoir chez lui un précepteur de leur robe. Mais Lamoignon était secrètement l’ami de Port Royal ; il était lié d’une manière toute particulière avec Godefroi Hermant ; il lui fit connaître à titre confidentiel le manuscrit de Rapin, et c’est grâce à ce double jeu que nous avons les précieux Mémoires du chanoine de Beauvais, qui sont la réfutation perpétuelle des calomnies de Rapin. Ces calomnies sont innombrables et d’un cynisme révoltant ; ainsi, pour en citer un exemple entre mille, Rapin dit sans sourciller que l’abbé de Saint-Cyran, l’homme austère si jamais il en fut, était un goinfre, apostrophant le cuisinier d’un ami parce que le dîner n’était pas assez bon ; un brutal accueillant à coups de poing les pauvres qui lui demandaient l’aumône dans la rue ; un débauché qui avait de jeunes et jolies servantes[1]. La publication sans commentaire rectificatif des Mémoires de Rapin ne fait pas honneur à ses confrères et à leur mandataire Léon Aubineau ; et Sainte-Beuve, qui va jusqu’à parler de baves infâmes, ne peut s’empêcher de dire à propos du rôle

  1. Cité sans observations par M. La Ferrière dans son étude sur l’abbé de Saint-Cyran.