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chapitre vii

« il est inouï que lorsqu’il n’y a personne qui enseigne ou qui défende l’erreur, qu’il n’y a ni chefs ni disciples, qu’il n’y a point ombre de secte ou de parti, et que les preuves en sont aussi évidentes que le soleil, on ait établi une formule pour faire signer à tout le monde la condamnation d’une erreur qui est rejetée de tout le monde.

« Enfin il est inouï que dans un temps où l’on avait tout à craindre d’une erreur naissante [le molinisme], on se soit appliqué à l’accréditer en frappant d’anathème un livre composé pour la réfuter, et en obligeant tout le monde, sous de grandes peines, à jurer que l’anathème prononcé contre le livre et contre la doctrine qui y est contenue est juste et qu’on en est persuadé[1]. »

La religion n’avait rien à voir avec la rédaction du formulaire ; c’était une machine de guerre dont les politiciens voulaient faire usage contre leurs ennemis, et c’est pour cette raison que l’on fut quelques années, avant de la faire sortir de l’arsenal ; elle y demeura jusqu’en 1660. Mazarin n’était pas pressé d’en fruit ; comme l’a remarqué très judicieusement Antoine Arnauld, il avait intérêt à ne rien conclure. « On sait, dit-il, que le cardinal Mazarin, comme un fort habile politique, n’a jamais regardé l’affaire du jansénisme que comme un moyen de se rendre nécessaire à Rome et de tenir les théologiens dans sa dépendance. S’il appréhendait que le pape ne traversât ses desseins en prenant la protection d’un cardinal ou prisonnier ou banni, il l’effrayait par ce fantôme, qu’il présentait, comme la chose du monde la plus formidable ; et.

  1. Cité par Fourquevaux, Catéchisme historique et dogmatique, tome I, p. 298.