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histoire du mouvement janséniste

Jansénius s’appesantir si peu sur les questions qui absorbèrent durant près de vingt années l’auteur de l’Augustinus. Et cependant nous verrons dans la suite de cette histoire que nul n’a contribué plus que Saint-Cyran à la propagation de ce qu’on peut appeler le mouvement janséniste ; Arnauld lui-même, le grand Arnauld, dont il nous reste à parler brièvement, n’a fait en définitive que suivre les traces de son maître.

Jansénius et Saint-Cyran étaient parvenus à l’âge d’homme lorsque naquit à Paris, en 1612, le vingtième enfant de l’avocat Antoine Arnauld, de celui-là même qui jadis avait plaidé avec tant d’éclat pour l’Université contre les Jésuites. Béni dès le jeune âge par François de Sales, le saint ami de la mère Angélique, sa sœur, Arnauld renonça au barreau pour se donner tout entier à la théologie, et l’abbé de Saint-Cyran, son guide, songeait si peu à le conduire dans les sentiers écartés qu’il fit de lui un bachelier et ensuite un docteur de Sorbonne. La soutenance de 1635 fut très brillante, et elle ne souleva aucune contradiction. Cinq ans avant l’apparition de l’Augustinus, le jeune bachelier exposait conformément aux théories de saint Augustin le dogme de la grâce efficace par elle-même, et sa doctrine ne semblait nullement hétérodoxe. Dans La Fréquente Communion, le premier de ses grands ouvrages, il proposait la communion fréquente et même quotidienne comme l’idéal de la vie chrétienne, et le grand ennemi de Port-Royal, l’archevêque Péréfixe, se vantait d’avoir lu cinq fois avec profit un livre si « excellent, un livre admirable ». Censuré par la Sorbonne en 1656, Arnauld vit condamner une phrase dont les deux propositions étaient empruntées mot pour mot à