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chapitre iv

fois des pauvres, appartenant comme Racine à des familles amies, et l’éducation qui leur était donnée tendait à faire de ces enfants des prêtres si la chose était possible, — tel fut Lenain de Tillemont, — ou des magistrats comme les deux Bignon, Harlay et Dugué de Bagnols, mentionnés par Racine, ou des officiers ou des avocats comme aurait dû l’être Racine lui-même dans la pensée d’Antoine Le Maître. Mais avant tout on cherchait à faire de ces écoliers d’élite de bons et de parfaits chrétiens. Il n’y avait donc pas lieu de redouter la concurrence de ces Petites Écoles, ou, si l’on veut, de ces collèges minuscules, et les Jésuites, qui comptaient leurs écoliers par milliers, n’auraient pas dû en prendre ombrage ; mais ces écoles tenaient à Port-Royal, ils ne cessèrent donc de leur susciter des embarras, et finalement ils obtinrent leur destruction en 1660. Ce jour-là ils prétendirent qu’ils avaient sauvé à la fois l’Église et l’État[1].

Les Petites Écoles n’ont pas duré plus de quinze ans, et cependant, dit Sainte-Beuve, qui les a longuement étudiées, « c’est dans le cours de ces quinze années d’une existence interrompue, toujours secouée et menacée, qu’elles produisirent de si grands fruits, formèrent des hommes dont la race se reconnaît entre les générations du siècle, et développèrent de si excellents et si durables modèles d’enseignement ». Mais aussi, quels maîtres que ceux qui dirigeaient ces admirables écoles, un Lancelot, un Nicole, un Wallon de Beaupuis, un Antoine Le Maître, un Antoine Arnauld à

  1. Voir au sujet de cette destruction un article que j’ai inséré dans la Revue internationale de l’Enseignement de 1907. On y trouve, d’après une relation inédite, des détails très nouveaux sur ces Écoles qui ne sont encore connues que fort imparfaitement.