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présenta l’Exposition comme un livre pernicieux qui « adopte crûment et avec insolence les erreurs de Baïus, de Jansénius et de Quesnel ». Mésenguy continua à garder le silence, et, chose curieuse, il ignora longtemps que son livre avait été mis à l’Index en 1767, sous Benoît XIV. L’auteur de la censure disait d’ailleurs que c’était un livre excellent, et il souhaitait qu’on le traduisit en italien, quand on aurait corrigé ce qu’il avait de trop gallican[1].

En 1758 et en 1759, l’ouvrage fut traduit en italien et imprimé à Naples, et il fallut songer à le réimprimer aussitôt, car l’édition était presque épuisée. C’est alors que les Jésuites aux abois résolurent de frapper un grand coup, de faire de l’octogénaire Mésenguy un second Père Quesnel, et de recommencer sur de nouveaux frais l’opération qui leur avait si bien réussi au temps des Réflexions morales. C’était mettre l’Italie en feu et bouleverser à nouveau l’Église de France, mais peu leur importait ; le salut de leur Compagnie n’était-il pas à leurs yeux la loi suprême ? Clément XIII fut circonvenu, et c’était chose facile depuis que l’audacieux Torregiani avait succédé comme secrétaire d’Etat au cardinal Archinto. En décembre 1760, le pape consentit à faire examiner l’Exposition, dont les Jésuites avaient extrait 45 propositions, jugées censurables et presque identiques aux propositions de Quesnel. Voici à titre d’exemple la 3e de ces propositions, dont la condamnation aurait exaspéré Bossuet : « Nous sommes libres ; c’est une vérité de foi et tout ensemble de sen-

  1. Le jésuite Benvenuti, auteur de cette censure, disait en parlant du livre de Mésenguy : « Continet multa ad fovendam pietatem, idonea. — Egregios de christianæ religionis majestate et sanctitate legentibus imprimit sensus. » Copie ms. d’une lettre de Rome, du 3 juin 1761.