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Page:Gazon-Dourxigne - Ariane a Thesee, heroide nouvelle, 1762.djvu/13

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Je friſſonne, mon corps ne ſe ſoutient qu’à peine ;
Et tes yeux en verront un ſigne trop certain
Dans ces traits mal formés par ma tremblante main.
C’en eſt fait, je renonce à la vaine eſpérance
D’inſpirer à ton cœur quelque reconnaiſſance :
Mais ſi par des bienfaits on ne peut l’émouvoir,
L’humanité ſur lui n’a-t’elle aucun pouvoir ?
C’eſt aſſez, d’être ingrat ; n’étens point ta furie
Juſqu’à donner la mort à qui ſauva ta vie :
Vois à travers les flots qui t’éloignent de moi,
Ces mains qu’avec effort je ſouleve vers toi :
Conſidere ce ſein enſanglanté par elles.
Rien n’égale l’excès de mes douleurs mortelles :
Quels cœurs, en les voyant, ne ſeroient pas touchés !
Preſque tous mes cheveux par moi-même arrachés
Sont de mon déſeſpoir une preuve funeſte :
Toi ſeul peux de ma rage en garantir le reſte.
Hâte-toi donc, Théſée ; & par un prompt ſecours,
Au glaive de la Mort viens dérober mes jours ;
Je ſens qu’elle s’approche, & déja ſes ténebres
Obſcurciſſent mes yeux de leurs vapeurs funebres ;
Mais ton retour ſuffit pour arrêter ſes coups.
Le vent change ; & flattant mes ſouhaits les plus doux,
À rentrer dans ce port ſon ſouffle heureux t’invite :
Répare les chagrins où m’a plongé ta fuite :
Que ta pitié pour moi te tienne lieu d’amour.
Reviens ; & ſi la mort prévenant ton retour,