Page:Geffroy - Sisley.djvu/19

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L’intérieur a le charme ancien d’une cheminée de marbre blanc et noir, surmontée d’une pendule et de fleurs dans des pots. La fenêtre, qu’on ne voit pas, est certainement ouverte, et la lumière, fragile et somptueuse lumière des paysages de Sisley, entre à flots, anime doucement les ombres, s’accroche aux flancs des vases, chante au contact des bouquets, dore les franges de coton du dessus de cheminée, reluit au bois ciré de la table, caresse le sarreau clair de l’écolier penché sur sa page et la nuque attentive de l’écolière. Tout est silence, recueillement, étude, on entend le tic-tac de la pendule d’albâtre.

Mais voici le paysagiste.

Ce n’est pas, quoiqu’on en ait parfois dit, un genre facile et inférieur que la peinture de paysage. J’ai entendu Renoir, qui fut à la fois paysagiste et peintre de figures, affirmer au contraire que l’œuvre la plus difficile à concevoir et à exécuter était le paysage, féerie changeante et fugitive pour la vision et pour l’esprit. Que le genre passe pour facile, c’est donc une opinion superficielle. Il n’est guère de débutant dans la peinture qui ne commence par peindre résolument le ciel, la terre et l’eau. La vérité, c’est qu’un paysage comporte autant de nuances, autant de passages rapides d’expressions, qu’un visage,

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