Page:Geniaux - Les Ames en peine.djvu/29

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menaient lentement sur les dunes de Poultriel. L’océan moutonnait, et sa rumeur mélancolique emplissait l’espace.

— Nos marins auraient-ils manqué le train de Quimper ? murmura le sabotier.

Soucieuses, les jeunes filles considéraient l’Atlantique comme si leurs fiancés eussent dû surgir du large sur leur navire. Un crépuscule hâtif, par ce ciel nuageux, éteignit toutes formes et toutes nuances.

— Rentrons, proposa Maharit dont la petite tête coiffée de blanc tremblait nerveusement.

Job referma soigneusement son huis.

— Puisque vos parents consentent à votre mariage, mes belles, demandait Maharit, pourquoi ne nous adressent-ils jamais que le bonjour sans venir s’expliquer ?

Anne eut le courage de répondre :

— Ils n’osent pas encore se rendre chez vous… par rapport aux idées des gens du village.

Plus avisée que sa sœur, Nonna expliqua :

— Ils n’ont point honte de Jean et de Julien, bien au contraire, seulement nos parents veulent prendre en douceur les gens de Ploudaniou.

— Il y a donc encore de la haine contre eux ? fit Job. Ah ! maudite engeance !

L’horloge à poids tinta huit coups.

— Que font-ils, nos enfants ? se demanda Maharit. Maintenant, c’est la nuit. S’ils oubliaient leur chemin, ils courraient du danger. Rendons-nous au-devant d’eux.

— Oh ! non ! attendons, dit Nonna en rougissant. Mais écoutez-donc, on appelle. On dirait une querelle… des menaces !

Épouvantée, Nonna s’était jetée sous les rabats de la cheminée, tandis qu’Anne, poussant le châssis d’une petite croisée, essayait d’apercevoir les hommes qui vociféraient sur le palus. Tout bas, comme si l’ennemi rôdait près de la saboterie, Maharit demanda :

— Que vois-tu, ma jolie ?

— Rien que la mer, le ciel et les marais.

— Je vais sortir pour me rendre compte, déclarait Job en cherchant un bâton, lorsque Anne, toujours penchée sur la croisée, se rejeta dans la salle en donnant les signes de la terreur.