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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/116

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avec succès la satire d’un noble amour-propre, et souvent même a calomnié les intentions les plus pures de la charité chrétienne la plus sincère. Pour moi, à toutes les époques de ma vie, je me suis livrée au doux plaisir d’admirer le bien partout où je l’ai vu. Chercher de mauvais motifs aux belles actions, c’est en quelque sorte participer à la bassesse de sentimens des ingrats, qui ne manquent jamais de trouver des raisons de ce genre pour se dispenser de la reconnoissance qu’ils doivent à leurs bienfaiteurs.

Le jour même de notre arrivée à Passy, je donnai une nouvelle preuve du talent dont la nature m’a douée, de lire sur les physionomies et d’y découvrir les vices cachés du cœur. Après avoir fait et reçu les premiers complimens, je me détournai, et je vis derrière moi un homme de cinquante ans, gros et court, habillé en abbé, et dont la figure me parut si repoussante, qu’elle me fit tressaillir ; ma mère me demanda ce que j’avois, je lui répondis tout bas : Regardez cet abbé, je suis sûre qu’il sera pendu. Ma mère me gronda, mais je gardai mon opinion. Cet homme étoit le fameux abbé de La Coste, qui cinq mois après alla à Tou-