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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/137

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voit si peu mon cœur et ma raison, on me louoit tant sur des choses frivoles, que j’avois pris enfin un amour-propre puéril qui me faisoit attacher une grande importance aux talens agréables qui pouvoient donner de la célébrité. J’aimois véritablement la musique et la harpe ; mais je n’aurois jamais fait des études aussi longues et aussi constantes, sur un instrument, sans le plaisir secret que je trouvois à être citée comme un prodige, et à voir les artistes les plus célébres venir m’entendre et m’écouter avec admiration. Pellegrini me dédia une œuvre musicale de sa composition ; quand je vis mon nom gravé à la tête d’une épître remplie de flatteries, ma joie fut extrême, et je la montrai naïvement. Je n’ai jamais eu de dissimulation que celle qui tient au courage ; j’ai su cacher mes peines, je n’ai jamais su déguiser mes sentimens et mes opinions. Il en a résulté que la force et l’empire sur moi-même ne m’ont point donné la prudence, mais aussi que la franchise et le naturel n’ont point donné de mollesse à mon caractère.

Je fus très-flattée qu’un savant, un géomètre d’une grande réputation eut une envie passionnée de m’entendre jouer de la harpe : il