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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/142

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M. de Saint-Germain n’a rien de déraisonnable, si l’on admet encore la supposition qu’il eût trouvé, au moyen de la chimie, la composition d’un breuvage, particulièrement d’une liqueur appropriée à son tempérament ; on pourroit admettre aussi, sans croire à la pierre philosophale, qu’il avoit à l’époque dont je parle un âge beaucoup plus avancé que celui que je lui donne. M. de Saint-Germain, pendant les quatre premiers mois de notre intimité, non-seulement ne dit pas une extravagance, mais ne dit pas une seule phrase extraordinaire ; il avoit même quelque chose de si grave et de si respectable dans sa personne, que ma mère n’osoit pas l’interroger sur les singularités qu’on lui attribuoit ; enfin, un soir, après m’avoir accompagnée d’oreille plusieurs airs italiens, il me dit que dans quatre ou cinq ans j’aurois une belle voix, et il ajouta : « Et quand vous aurez dix-sept ou dix-huit ans, serez-vous bien aise d’être fixée à cet âge-là, du moins pour un très-grand nombre d’années ? » Je répondis que j’en serois charmée. « Eh bien, reprit-il très-sérieusement, je vous le promets ; » et aussitôt il parla d’autre chose.

Ce peu de mots enhardit ma mère, qui,