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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/158

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à ma mère en l’assurant qu’elle seroit bien reçue ; mon oncle me conduisit. Je n’avois pas une goutte de sang dans mes veines en entrant dans la chambre de ma grand’mère. Sa figure acheva de me glacer ; on m’avoit dit qu’elle étoit belle encore, elle ne me parut qu’effrayante. Elle étoit fort grande, fort droite, toute sa personne avoit quelque chose de hautain et d’impérieux que je n’avois vu qu’à elle ; il y avoit encore de la beauté dans ses traits, mais elle avoit beaucoup de rouge et de blanc, et une physionomie à la fois immobile, froide et dure… Elle me fit peur, ma mère courut se jeter à ses pieds. À ce spectacle je fondis en larmes. Ma grand’mère releva sèchement ma mère sans l’embrasser, ce qui m’indigna. Mon oncle, qui me tenoit toujours par la main, me présenta à ma grand’mère en disant : Maman, regardez cette charmante petite !… et il ajouta plus bas : Maman, embrassez-la… Elle jeta sur moi un regard sombre et fixe, qui me fit baisser les yeux, mon oncle me dit de lui baiser les mains ; j’obéis en tremblant, elle me baisa au front, alors je m’éloignai promptement, et j’allai me jeter en sanglotant dans les bras de ma mère. Madame de La Haie sonna