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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/169

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décidai. Je traverse le salon comme un trait, sans regarder autour de moi ; je monte l’escalier, j’entre dans la chambre de ma mère, frémissant d’y trouver un cadavre ; je passe dans mon cabinet, je saisis ma clef, croyant tenir un trésor de gloire ; aussitôt avec plus de joie de mon exploit, que de terreur de l’aventure, je retourne rapidement sur mes pas, je me retrouve hors du pavillon avec ravissement, je franchis à toute course le jardin et la cour, enfin je touche la ferme, je monte l’escalier, et j’entre en triomphe dans le salon en élevant le bras, montrant ma conquête et m’écriant : « Voilà bien ma clef de harpe !… » À ces mots je tombe dans un fauteuil ; j’étois pâle comme la mort, je respirois à peine… On m’entoure, on me questionne, et je conte ma superbe aventure. Elle produisit un grand effet, on éleva aux nues mon courage héroïque, les hommes surtout, car les femmes critiquoient un peu la témérité de mon action ; elles n’avoient pas tort, cette espèce de vanité eut été une vertu dans un homme, ce n’étoit qu’une folie dans une femme ; et sans le reste d’enfantillage qu’on a toujours à quinze ans, et que j’avois plus qu’une autre, cette folie