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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/200

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mots ; il a passé pour avoir un esprit supérieur, c’est ce qu’il n’avoit pas ; il n’avoit que des saillies et un grand usage du monde ; d’ailleurs incapable de la moindre réflexion, et d’une frivolité dont j’ai vu peu d’exemples, il étoit au-dessous de la médiocrité aussitôt qu’il falloit agir ou parler sérieusement. Il prétendoit avoir beaucoup lu, et se plaignoit extrêmement de sa mémoire, ce qui signifie toujours qu’on est très-ignorant, et qu’on en rougit. Il méloit à tout une nuance d’ironie et un très-léger persiflage qu’il mit à la mode, mais que personne n’a su employer avec autant de grâce ; cette manière n’avoit en lui rien d’offensant, c’étoit son genre de gaieté, la méchanceté ne s’y joignoit jamais. Ce ton légèrement moqueur le rendoit piquant quand on ne le voyoit qu’en passant ; et, tout au contraire, finissoit par le rendre insipide quand on vivoit habituellement avec lui, car il étoit impossible de l’en sortir ; et j’ai toujours trouvé qu’il n’y a rien de plus fatigant et même de plus ennuyeux, à la longue, que les personnes qui n’ont qu’un seul ton et qu’un seul genre d’esprit, quelque brillant qu’il puisse être. On louoit aussi le marquis de Genlis de son égalité d’humeur qu’aucun évè-