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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/241

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beaucoup plus étendue et plus extraordinaire que celle que j’ai eue. C’est qu’un goût dominant ne permet pas que rien de ce qui lui est étranger se grave profondément dans la tête ; ce sont nos pensées habituelles, nos réflexions journalières qui forment notre genre d’instruction. Je n’ai été étrangère à rien, j’ai pu parler passablement de tout, mais je n’ai su parfaitement que ce qui se rapportoit aux beaux-arts, à la littérature, à l’étude du cœur humain, parce que telles étoient mes passions, et que je n’ai véritablement réfléchi qu’à cela. Aussi ai-je remarqué que les personnes d’un savoir prodigieux par l’étendue et la variété des connoissances, avoient toutes la tête et l’imagination froides, et étoient incapables de se passionner pour un art ou une étude particulière. Dans ce temps j’appris à monter à cheval, et d’une singulière manière. Je me baignois, et on alloit chercher, pour mes bains, de l’eau dans une rivière à une demi-lieue. Un seul cheval de charrue traînoit le tonneau que l’on devoit remplir d’eau. Un jour que j’étois seule au château, je vis par ma fenêtre le charretier Jean partir, conduisant à pied son équipage. Il me parut