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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/301

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sol, étoit âgée de quatorze ou quinze ans ; elle n’avoit ni l’esprit ni les agrémens de sa mère : on la trouvoit belle dans sa famille ; elle avoit une de ces figures qui paroissent devoir l’être quand on les dépeint, mais qui ne le sont que dans une description bienveillante lorsqu’on supprime tout ce qui les dépare. Elle étoit grande et mince ; elle étoit fort blanche ; elle avoit de grands yeux, une petite bouche ; mais sa taille avoit de la roideur et sa tour-

    trice. Quand cette jeune personne fut partie, comme je me trouvai seule avec madame de Boulainvilliers, je la questionnai à ce sujet : elle me conta l’histoire suivante : Un soir, qu’elle se promenoit près de sa maison de Passy, elle aperçut un petit garçon de dix ans, bien déguenillé, qui portoit sur son dos une petite fille de six à sept ans, qui paroissoit être fort malade : ces enfans demandoient l’aumône. Madame de Boulainvilliers, touchée de ce spectacle, les interroge ; elle apprend qu’ils sont orphelins, n’ont point d’asile, et que leur père venoit de mourir à l’Hôtel-Dieu. « Et que faisoit votre père ? demanda-t-elle. — Oh ! rien, car il étoit gentilhomme. — Gentilhomme ! — Oh ! oui, il nous l’a dit trois jours avant de mourir. — Et qui prend soin de vous ? — Personne, depuis la mort de notre père. — Eh bien ! suivez-moi. » Les enfans ne demandèrent pas mieux : madame de Boulainvilliers les emmène chez elle, les fait