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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/354

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ainsi ces dames désiroient passionnément que ma tante achevât de tourner la tête à ce prince ; il leur étoit beaucoup plus agréable qu’il eût pour maîtresse une femme de la société qu’une courtisane, parce qu’alors l’intimité du prince leur seroit rendue. Je ne sais si elles prévoyoient qu’au lieu de consentir à être sa maîtresse, ma tante avoit le projet de devenir sa femme. Au reste ce dernier événement ne pouvoit leur déplaire toutes les femmes de qualité devoient naturellement en être flattées.

Ma tante, qui, comme je l’ai dit, vouloit terminer ce voyage par quelque chose d’éclatant, eut l’idée la plus singulière. Elle voyoit que M. le duc d’Orléans étoit dans l’admiration de ses talens, mais il ne pouvoit avoir la même opinion de son esprit ; il s’agissoit d’en acquérir une tout à coup qui effaçât celle de mesdames de Bouflers, de Beauvau, et de Gramont. Mais comment faire ? ma tante étoit d’une ignorance extrême ; elle n’avoit pas la moindre instruction ; elle n’avoit lu dans toute sa vie que quelques romans. Elle savoit fort mal l’orthographe, et elle écrivoit très-mal une lettre. Cependant elle eut la pensée de de-