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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/361

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vous êtes gaie, aimable, et depuis huit jours vous gardez le silence le plus obstiné ; peut-on vous en demander la raison ? » À cette question pressante, je me décidai sur-le-champ à répondre franchement, parce que le ton avoit quelque chose de gai et d’obligeant. « Madame, lui dis-je, c’est que je crains de vous déplaire, que vous avez un air sévère qui m’intimide, et qui me fait de la peine… — Vous avez tort de me craindre, reprit-elle, je suis très-disposée à vous aimer ; que faut-il faire pour vous mettre à votre aise avec moi ?… — Ce que vous daignez faire en ce moment, » m’écriai-je, en me jetant à son cou. Des pleurs d’attendrissement me coupèrent la parole, elle fut elle-même vivement émue ; elle me reçut dans ses bras, m’y retint, et m’embrassa à plusieurs reprises avec la plus touchante sensibilité. De cet instant je lui vouai au fond de l’âme le plus tendre attachement ; elle le méritoit par l’excellence de son cœur, de ses principes, et de son caractère, et par le charme de son esprit. Nous causâmes avec une entière liberté ; elle me dit les choses les plus aimables, et je lui promis que je serois dorénavant avec elle comme si j’avois eu le bonheur de la connoître depuis mon