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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/360

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redoubla ma timidité naturelle. Elle me parla des succès que j’avois eus à Villers-Cotterets, et me demanda enfin à m’entendre jouer de la harpe, ce fut six jours après mon arrivée. Je jouai, je chantai, elle parut charmée ainsi que M. de Puisieux. « Il faut convenir, dit-elle, que cela est séduisant. » Je ne sais pourquoi cette phrase me déplut, et de premier mouvement, je répondis avec vivacité : « Cependant, madame, je n’ai séduit, ni ne veux séduire qui que ce soit. » Elle fut très-étonnée, parce que jusque-là je n’avois dit que oui on non. Elle me regarda fixement, et ne répliqua rien. Le soir M. de Genlis me gronda de ma réponse, et le lendemain j’eus une peur affreuse de madame de Puisieux en me trouvant tête à tête avec elle dans le salon. Madame de Puisieux, couchée sur sa chaise longue, comme de coutume, travailloit au métier, je brodois au tambour ; nous gardâmes le silence pendant un demi-quart d’heure. Enfin, madame de Puisieux, ôtant ses lunettes, se tourna de mon côté : « Madame, me dit-elle, avez-vous donc fait le vœu d’être toujours ainsi avec moi ? — Comment, madame ? répondis-je d’une voix tremblante. — Oui, reprit-elle, on assure que