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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/399

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tunati, avec lequel je fis beaucoup de progrès en peu de temps.

Il prit à ma tante cette année des fantaisies qui me causèrent beaucoup d’ennui ; elle voulut jouer de la harpe, et essayer de faire des vers. Je lui donnai des leçons de harpe tous les jours où j’allois dîner chez elle, et c’est une écolière qui ne m’a jamais fait honneur. Quant aux vers, l’essai ne fut pas heureux. Elle étoit en tout d’une ignorance absolue. Je ne crois pas qu’elle eût jamais lu deux pages d’un bon livre, elle ne lisoit même pas de romans. C’est elle qui, plusieurs années après, en parlant de M. de Saint-Priest, ambassadeur en Turquie, dit qu’il avoit auprès de Constantinople une charmante maison de campagne sur les bords de la mer Baltique. Enfin, avec ce fonds d’érudition elle se mit à versifier. Sa première pièce de vers fut son portrait, il n’étoit ni fade ni flatté, et fait très-gaiement et même spirituellement quant aux idées, mais il n’y avoit pas un seul vers en mesure, et l’on y trouvoit des hiatus à chaque ligne, je corrigeai cette singulière production. J’étois loin de penser que ma tante, qui avoit trente ans, feroit sept ou huit ans après des tragédies ; il est vrai