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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/407

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tête. C’étoit véritablement une pantoufle de Cendrillon, car elle avoit le plus joli pied du monde. Rien ne m’a jamais causé plus de surprise ; cependant cette folie me la fit prendre en amitié ; je lui en ai vu faire mille de ce genre, qui m’ont toujours paru charmantes, parce qu’elles étoient parfaitement naturelles, et que cette femme, si peu mesurée dans ses discours et dans un cercle, ne ressembloit à aucune autre, et étoit aussi raisonnable et aussi sage dans toutes les choses essentielles, qu’elle l’étoit peu dans la société. Elle avoit une fort bonne maison, donnoit d’excellens soupers, mais elle sortoit rarement, et alloit fort peu dans le monde, quoiqu’elle en reçût beaucoup chez elle.

Ma tante voyoit habituellement en hommes le comte de Chabot, dont j’ai déjà parlé ; le chevalier de Coigny, qu’on appeloit Mimi, je n’ai jamais su pourquoi ; il étoit fort à la mode, d’une assez jolie figure on lui trouvoit de l’esprit, je l’ai beaucoup vu, et je ne l’ai jamais entendu causer ; mais dans chaque visite il laissoit un mot bon ou mauvais, que l’on citoit toujours ; ce mot dit, il ne parloit plus ; il avoit l’air distrait, insouciant, et en même