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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/66

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sont capables. Son départ me causa un chagrin qui altéra ma santé ; le temps en s’écoulant ne le diminua que par l’espoir qu’il me donnoit de le voir revenir bientôt. Au bout de trois mois, ma mère voulut préparer une fête pour son retour. Elle avoit beaucoup de talent naturel pour la poésie, quoiqu’elle n’en sût pas parfaitement les règles, mais elle a fait de très-jolis vers. Elle composa une espèce d’opéra comique dans le genre champêtre, avec un prologue mythologique ; j’y jouois l’Amour. On donna des rôles à toutes les femmes de chambre, elle en avoit quatre, et toutes jeunes et jolies : de plus, on voulut jouer une tragédie, on choisit Iphigénie en Aulide ; ma mère joua Clytemnestre, et l’on me donna le rôle d’Iphigénie. Un médecin de Bourbon-Lancy, nommé le docteur Pinot, se chargea du rôle d’Agamemnon ; son fils aîné, âgé de dix-huit ans, eut un succès prodigieux dans celui du bouillant Achille : il étoit en effet très-bouillant, son génie théâtral avoit deviné toutes les contorsions, les convulsions, les tapemens de pied et les cris terribles que l’on a tant applaudis depuis à Paris sur le théâtre ; je me cachois pour en rire, car dès