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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/78

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curiosité peut l’emporter sur la peur, je n’avois jamais vu de brigand, et j’avois un désir extrême de voir et d’examiner Mandrin. Dans ce moment critique nous vîmes arriver le père Antoine ; c’étoit un capucin qui desservoit la cure depuis trois mois, parce que le curé étoit mort. Ce bon capucin, excellent religieux, étoit très-brave, ce qu’il avoit prouvé dans plusieurs incendies, en exposant sa vie avec une intrépidité admirable ; nous l’aimions beaucoup, il m’avoit donné des images et des chapelets, il étoit mon confesseur, et j’avois pour lui autant d’attachement que de vénération. Ces sentimens, qu’il méritoit d’inspirer, m’ont laissé pour toute ma vie un respect particulier pour les capucins en général ; c’est pourquoi, en souvenir de ce vertueux religieux, j’en ai placé dans mes romans, que j’ai tâché de rendre intéressans, dans la Duchesse de La Vallière, et dans le Siége de la Rochelle.

La présence du père Antoine nous rassura un peu. Enfin, on annonça M. le marquis de Breteuil, et nous vîmes paroître un homme d’assez mauvaise mine, suivi de deux officiers qui avoient des figures très-rembrunies. Bien persuadée que je voyois Mandrin, je le regar-