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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/302

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trois petits animaux singuliers qui n’étoient pas dans la ménagerie, et ce père étoit M. de Buffon. Je fus ravie de cette prévenance d’un homme dont j’admirois tant les ouvrages, et je devois cette bienveillance à tout ce que mademoiselle Thouin avoit dit de moi. Le jeune Buffon me donna la main, et me conduisit chez son père, qui me reçut avec une cordialité et une grâce de bonhomie qui achevèrent de me gagner tout-à-fait le cœur. Depuis ce jour, il vint me voir au Palais-Royal, au moins une fois par mois ; j’allois dîner chez lui tous les dix ou douze jours ; j’y arrivois d’assez bonne heure pour le trouver seul : nous ne parlions jamais que de littérature, et je le questionnois sans relâche sur la manière d’écrire et sur le style. Une chose très-extraordinaire, c’est que M. de Buffon, dont le style est si harmonieux, n’aimoit pas la poésie, et n’étoit pas sur ce point un vrai connoisseur. Fénélon, écrivain moins parfait, mais dont le style a tant d’harmonie, offroit la même singularité. M. de Buffon m’a dit qu’il n’a commencé à écrire comme auteur, et à être remarqué, qu’à l’âge de quarante-quatre ou quarante-cinq ans ; son admirable talent s’est