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sance du Verbe ; suivant le sentiment des philosophes, les émanations se faisaient par nécessité de nature ; ils étaient persuadés que Dieu n’a jamais existé sans rien produire. Tatien enseigne le contraire.

Il dit que c’est le Verbe qui a fait ou produit les anges et les âmes humaines, et cela a été encore un acte de puissance ; ces êtres ne sont donc pas sortis de lui par émanation. Brucker lui reproche d’avoir appelé ces esprits matériels, en quel sens ? Tatien et d’autres Pères ont cru que Dieu seul est Esprit pur, toujours séparé de toute matière, au lieu que les esprits créés ne subsistent jamais sans être revêtus d’une espèce de corps subtil. Cette erreur n’est ni grossière ni dangereuse. Mais l’hypothèse des émanations est-elle compatible avec la notion d’Esprit pur, de nature simple, que Tatien attribue à Dieu ?

4° S’il est question dans son texte d’une émanation, c’est de celle du Verbe, avant la création, ou plutôt par la création du monde. Il dit, en effet, que le Verbe est émané, sorti, né, provenu du Père. Mais on a prouvé cent fois contre les ariens et les sociniens que dans le style des anciens docteurs de l’Église, lorsqu’ils parlent du Verbe Divin, émaner, sortir, naître, procéder, etc., signifient seulement se produire au dehors, se montrer, se rendre sensible par les œuvres de la création.

Quoiqu’en dise Brucker, ceux qui ont soutenu que Tatien a enseigné l’éternité et la divinité du Verbe n’ont pas eu tort. En effet, Tatien dit que Dieu est sans commencement ; qu’avant d’émaner de lui pour créer le monde, le Verbe était en lui et avec lui, non en puissance comme le monde qui n’existait pas encore, mais avec une puissance propre, par conséquent subsistant en personne. Il dit que le Verbe est émané de Dieu par participation : à quoi a-t-il participé, sinon à la puissance et aux attributs de Dieu ? Il dit qu’en sortant du Père il ne s’en est pas séparé, parce que Dieu n’a jamais pu être sans son Verbe, sans sa raison ou son intelligence éternelle. Si ce langage n’exprime point la divinité du Verbe, aucune profession de foi ne peut suffire ; mais il est bien différent de celui des philosophes orientaux, des gnostiques, des cabalistes, des ariens.