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Égyptiens, la géométrie, et les Phéniciens les caractères de l’alphabet. Ne vous donnez donc pas pour avoir inventé ce que vous n’avez fait qu’imiter. C’est Orphée qui vous apprit à chanter et à cultiver la poésie ; c’est lui encore qui vous initia dans les mystères sacrés ; les Étrusques vous ont enseigné la plastique ; les annales des Égyptiens vous ont appris à écrire l’histoire. Vous avez emprunté à Marsyas et à Olympe l’harmonie de la flûte : tous deux Phrygiens, tous deux bergers, ils ont trouvé les accords de cet instrument. Les Tyrthéniens ont découvert la trompette, les cyclopes la manière de travailler l’airain ; une femme nommée Atossa, autrefois reine des Perses, comme le dit Hellanique, vous apprit l’art épistolaire. Renoncez donc à cet orgueil, et ne parlez point avec ostentation des beautés de votre langue ; car, en vous louant vous-mêmes, vous employez des avocats intéressés. Ceux qui s’attribuent une telle gloire, s’ils sont sages, doivent attendre le témoignage des autres et s’accorder ensemble sur la prononciation des mots. Or, vous êtes le seul peuple qui, dans la conversation, ne fasse point entendre les mêmes sons ; car le dialecte des Doriens n’est point le même que celui des Attiques, et les Éoliens ne parlent point comme les Ioniens. Lors donc que je vois une si grande différence de prononciation entre des hommes chez qui il n’en devait exister aucune, je ne sais plus qui je dois appeler Grec. Pour comble d’absurdité, vous recherchez les locutions qui vous sont étrangères, et par l’emploi de plusieurs mots barbares, vous avez fait de votre langue un amas confus de paroles. C’est pourquoi j’ai renoncé à votre sagesse, quoique je fusse moi-même un des plus distingués et des plus illustres de vos philosophes ; car, comme dit le poëte comique : « Ce sont là des feuilles stériles, un vain babil et des nids d’hirondelles ; les partisans de cet art font beaucoup de mal, ils crient d’une manière indécente et croassent comme le corbeau. » En effet, vous avez fait servir la rhétorique à l’injustice et à la calomnie ; vous avez trafiqué de la parole qui doit toujours être indépendante ; ce que vous avez défendu ici comme légitime, vous l’avez condamné ailleurs comme injuste. La poésie vous a servi à retracer des combats, les amours des dieux et les passions corrompues du cœur.

II. Qu’a donc produit de si merveilleux votre philosophie, et quel est celui de vos sages, même les plus distingués, qui ait été exempt d’orgueil ? Diogène, qui faisait vanité de son tonneau et se glorifiait de sa frugalité, dévore un polype vivant, et, saisi d’une maladie d’intestins, meurt victime de son intempérance. Aristipe, qui se promenait étalant à tous les yeux ses vêtements de pourpre, était un débauché de bon ton qu’on croit